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Ce
psychologue juif de Bâle n’hésite pas à
rencontrer des néonazis et réussit même à
les faire se remettre en question. Par Victor Fingal
QU: Le MATIN 17 août 2002
«Depuis
le début de l’année, j’ai déjà
obtenu plus de 300 contacts avec des néonazis.» Samuel
Althof, un Bâlois de 47 ans d’origine juive, se défend
pourtant de jouer avec le feu. Fin psychologue – c’est
d’ailleurs sa profession – il nous raconte d’une
voix calme dans un bistrot de la cité rhénane comment,
depuis deux ans, il approche des skins et finit par gagner leur
confiance.
Des
têtes dures, au départ, mais qui finissent par l’accepter
et, mieux, de suivre parfois une thérapie, qui peut s’étendre
à d’autres membres de la famille. «Souvent,
les skins sont psychiquement très malades et vivent dans
un univers perturbé. Un père absent et une mère
dotée d’une forte personnalité, mais qui est
surmenée.»
Au
départ, le contact avec le skin s’effectue via Internet
ou un courrier. C’est que Samuel Althof et son organisation,
Action Enfants de l’Holocauste, ont réussi à
infiltrer un bon nombre de groupuscules. «Parfois nous avons
recours à des e-mails anonymes et le crâne rasé
ne comprend pas comment nous l’avons identifié malgré
toutes les précautions qu’il a prises. Lors de notre
première rencontre, c’est souvent lui qui a peur,
pas moi.»
Reste
que le thérapeute de l’extrême droite prend
ses précautions. Ses entretiens sont soigneusement préparés
et, lors du premier face-à-face, il sait se souvenir de
toutes les ficelles de sa profession. «Déjà
dans le choix du bistrot, nous établissons des rapports
normaux.» Samuel Althof sait ne pas insister. Jamais il
ne va réprimander le jeune sur ses inclinations idéologiques.
Plus tard, pendant la conversation, le jeune homme sera étonné
d’apprendre qu’il existe des Juifs critiques vis-à-vis
d’Israël. Par la suite, c’est l’ensemble de
ses préjugés qui seront remis en cause.»
Après
un premier rendez-vous, il attend. «Je laisse toujours le
skinhead me rappeler.» Parmi les crânes rasés,
Samuel Althof est considéré comme une personnalité
marquante, quelqu’un avec qui l’on aimerait bien discuter,
par curiosité. Beaucoup plus tard, quand le moment est
venu, celui qui n’hésite pas à rendre visite
en prison à des skins responsables d’actes de violence
donne des leçons de démocratie à ceux qui
ont pris le chemin de la normalité.
«Auparavant,
je me cachais plus. Avec l’expérience, j’ai appris
à différencier l’idée que l’on
se fait des skins et la réalité. Je ne prends pas
plus de risques qu’une femme qui rentre tard le soir seule
à la maison.»
Le vrai danger: les idéologues nazis
Pour
Samuel Althof, les quelques centaines de skins recensés
en Suisse ne constituent pas une menace. Le vrai danger, selon
lui, vient des idéologues nazis qui soignent leur apparence.
«Comme les penseurs du PNOS (Parti national des Suisses
orientés), qui influencent les jeunes skins souvent apolitiques
au départ. Je ne peux rien entreprendre contre ces nazis
qui souffrent d’obsessions.» Quant à l’anniversaire
de la naissance de Rudolf Hess, aujourd’hui, il ne devrait
pas provoquer de troubles en Suisse. D’autant moins que Samuel
Althof avait dénoncé la tentative de propagande
nazie qui devait se dérouler vendredi par le biais d’une
fausse édition spéciale de 20 Minuten, le quotidien
gratuit des villes de Suisse alémanique.
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